Le covoiturage s’est imposé comme une solution de mobilité économique et écologique pour de nombreux Français. Cependant, cette pratique soulève des questions importantes en matière d’assurance. Les conducteurs et passagers sont-ils correctement couverts en cas d’accident ? Quelles sont les responsabilités de chacun ? Comment les assureurs s’adaptent-ils à cette nouvelle forme de transport partagé ? Cet article fait le point sur les enjeux assurantiels du covoiturage et les évolutions en cours dans ce domaine.
Cadre juridique du covoiturage en france
Le covoiturage est défini juridiquement comme l’utilisation en commun d’un véhicule par un conducteur non professionnel et un ou plusieurs passagers, dans le cadre d’un déplacement effectué par le conducteur pour son propre compte. La participation des passagers aux frais du trajet ne doit pas excéder le partage des coûts réels (carburant, péage, etc.).
Cette définition, introduite par la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019, vise à distinguer clairement le covoiturage du transport rémunéré de personnes, soumis à une réglementation plus stricte. Elle fixe ainsi le cadre dans lequel les assureurs peuvent couvrir cette activité sans la considérer comme une activité professionnelle.
Le covoiturage bénéficie par ailleurs d’un cadre fiscal favorable, les sommes perçues par le conducteur n’étant pas imposables tant qu’elles ne dépassent pas le barème kilométrique fiscal. Cette disposition encourage le développement de la pratique tout en limitant les risques d’abus.
Responsabilités des conducteurs et passagers
Obligations légales du conducteur covoitureur
Le conducteur qui propose un trajet en covoiturage a plusieurs obligations légales à respecter :
- Être titulaire d’un permis de conduire valide
- Disposer d’une assurance auto en cours de validité, couvrant a minima la responsabilité civile
- Veiller au bon état du véhicule et à sa conformité aux normes de sécurité
- Respecter le code de la route et les limitations de vitesse
- Ne pas être sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants
En cas de manquement à ces obligations, le conducteur s’expose à des sanctions pénales et à un refus de prise en charge par son assurance en cas d’accident. Il est donc crucial pour tout covoitureur de bien connaître ses responsabilités et de s’y conformer scrupuleusement.
Droits et devoirs des passagers
Les passagers d’un covoiturage ont également des droits et des devoirs à respecter :
Droits :
- Bénéficier d’un trajet dans des conditions de sécurité normales
- Être couvert par l’assurance responsabilité civile du conducteur en cas d’accident
- Pouvoir annuler le trajet dans les conditions prévues par la plateforme utilisée
Devoirs :
- Respecter les consignes de sécurité (port de la ceinture, etc.)
- Ne pas perturber la conduite du conducteur
- S’acquitter de la participation aux frais convenue
- Respecter les horaires et lieux de rendez-vous
Le respect mutuel de ces règles est essentiel pour garantir la sécurité et le bon déroulement du trajet en covoiturage.
Cas particulier du covoiturage via BlaBlaCar
BlaBlaCar, leader du covoiturage en France, a mis en place des conditions générales d’utilisation spécifiques qui viennent compléter le cadre légal. La plateforme impose notamment une limite de 0,082€/km
pour la participation aux frais, afin de garantir le caractère non lucratif du covoiturage.
BlaBlaCar propose également une assurance complémentaire en partenariat avec AXA, qui couvre certains risques non pris en charge par l’assurance auto classique du conducteur. Cette assurance inclut par exemple une garantie annulation, une assistance en cas de panne, ou encore une couverture des effets personnels des passagers.
L’utilisation d’une plateforme comme BlaBlaCar apporte un cadre sécurisant au covoiturage, mais ne dispense pas conducteurs et passagers de leurs responsabilités légales.
Couverture par l’assurance auto classique
Garanties de base applicables au covoiturage
L’assurance auto obligatoire, dite « au tiers », couvre les dommages causés aux tiers en cas d’accident responsable. Cette garantie s’applique également aux passagers d’un covoiturage, qui sont considérés comme des tiers transportés. Ainsi, en cas d’accident, les passagers seront indemnisés pour leurs dommages corporels, quel que soit le niveau d’assurance du véhicule.
Les garanties optionnelles comme la protection du conducteur, les dommages tous accidents, ou l’assistance, s’appliquent également en situation de covoiturage, dans les mêmes conditions que pour un usage privé du véhicule. Cependant, il est important de vérifier auprès de son assureur que le contrat ne comporte pas de clause d’exclusion spécifique au covoiturage.
Exclusions spécifiques liées au transport rémunéré
La plupart des contrats d’assurance auto excluent la couverture du véhicule lorsqu’il est utilisé pour du transport rémunéré de personnes. Cette exclusion vise principalement les activités de taxi ou de VTC non déclarées, mais peut s’appliquer au covoiturage si la participation aux frais demandée dépasse le simple partage des coûts réels du trajet.
Il est donc essentiel de respecter les limites fixées par la loi et les plateformes de mise en relation pour ne pas risquer une déchéance de garantie en cas d’accident. En pratique, on considère généralement qu’une participation aux frais ne dépassant pas 0,20€/km
reste dans le cadre du covoiturage non lucratif.
Nécessité de déclarer l’activité à son assureur
Bien que le covoiturage occasionnel soit généralement couvert par les contrats d’assurance auto classiques, il est recommandé de déclarer cette pratique à son assureur, en particulier si elle devient régulière. Cette démarche permet de :
- S’assurer que le contrat ne comporte pas de clause d’exclusion
- Adapter éventuellement les garanties aux risques spécifiques du covoiturage
- Éviter tout litige en cas de sinistre
Certains assureurs proposent des options spécifiques pour les covoitureurs réguliers, offrant une couverture adaptée à cette pratique. Ne pas déclarer son activité de covoiturage pourrait être considéré comme une fausse déclaration et entraîner une nullité du contrat en cas de sinistre grave.
Assurances complémentaires pour covoitureurs
Options proposées par les assureurs traditionnels
Face au développement du covoiturage, plusieurs assureurs traditionnels ont développé des offres spécifiques pour les covoitureurs réguliers. Ces options comprennent généralement :
- Une extension de la garantie conducteur aux passagers en cas de prêt du volant
- Une assistance renforcée prenant en charge les passagers en cas de panne
- Une protection juridique couvrant les litiges liés au covoiturage
- Une garantie annulation en cas d’empêchement du conducteur
Ces options permettent d’adapter la couverture d’assurance aux risques spécifiques du covoiturage, offrant ainsi une meilleure protection au conducteur et à ses passagers. Le surcoût est généralement modéré, de l’ordre de 5 à 10% de la prime d’assurance auto.
Couvertures offertes par les plateformes (AXA-BlaBlaCar)
Les principales plateformes de covoiturage ont noué des partenariats avec des assureurs pour proposer des couvertures complémentaires à leurs utilisateurs. L’exemple le plus connu est celui de BlaBlaCar, qui offre en partenariat avec AXA une assurance automatiquement incluse pour tous les trajets réservés via la plateforme.
Cette assurance comprend notamment :
- Une garantie annulation et retard
- Une assistance en cas de panne ou d’accident
- Une couverture des effets personnels
- Une protection juridique
Ces garanties viennent en complément de l’assurance auto du conducteur et ne se substituent pas à elle. Elles apportent une sécurité supplémentaire, particulièrement appréciable pour les longs trajets ou les covoiturages entre inconnus.
Assurance passagers complémentaire
Certains assureurs proposent des contrats spécifiques pour les passagers de covoiturage, leur permettant de bénéficier d’une couverture individuelle indépendamment de celle du conducteur. Ces assurances couvrent généralement :
- Les dommages corporels du passager
- Les frais médicaux et d’hospitalisation
- L’assistance et le rapatriement
- L’annulation ou l’interruption de trajet
Bien que peu répandues, ces assurances peuvent être intéressantes pour les passagers qui pratiquent fréquemment le covoiturage avec différents conducteurs. Elles offrent une protection constante, quel que soit le niveau d’assurance du véhicule emprunté.
La multiplication des offres d’assurance spécifiques au covoiturage témoigne de l’adaptation du secteur à cette nouvelle pratique de mobilité.
Gestion des sinistres en covoiturage
Procédure de déclaration spécifique
En cas d’accident lors d’un trajet en covoiturage, la procédure de déclaration de sinistre suit globalement les mêmes étapes que pour un accident classique. Cependant, quelques points spécifiques doivent être pris en compte :
- Remplir le constat amiable en précisant la présence de passagers en covoiturage
- Recueillir les coordonnées de tous les passagers, y compris ceux non blessés
- Informer la plateforme de mise en relation si le trajet a été réservé via un site spécialisé
- Déclarer le sinistre à son assureur en mentionnant explicitement le contexte de covoiturage
- Transmettre les justificatifs de réservation du trajet si disponibles
Il est important d’être transparent sur les circonstances du trajet pour éviter tout litige ultérieur avec l’assureur. Si une assurance complémentaire était active via la plateforme de covoiturage, il faudra également effectuer une déclaration auprès de cet assureur.
Répartition des responsabilités conducteur/passagers
En matière de responsabilité civile, le principe reste le même que pour un trajet classique : le conducteur est présumé responsable des dommages causés aux passagers, sauf s’il peut prouver une faute de la victime ou un cas de force majeure. Les passagers sont considérés comme des tiers transportés et bénéficient à ce titre d’une indemnisation automatique en cas de dommages corporels.
Cependant, la participation financière des passagers aux frais du trajet ne modifie pas cette répartition des responsabilités. Le covoiturage n’est pas considéré comme un contrat de transport commercial, ce qui préserve le statut de « tiers » des passagers vis-à-vis de l’assurance.
En cas de prêt du volant à un passager, la situation devient plus complexe. Si l’accident survient alors qu’un passager conduit, c’est l’assurance du véhicule qui interviendra, mais le conducteur habituel (souscripteur de l’assurance) pourra voir sa prime augmenter. Il est donc crucial de vérifier la couverture du contrat en cas de prêt du volant avant d’envisager cette pratique.
Jurisprudence sur les accidents en covoiturage
La jurisprudence concernant les accidents en covoiturage reste encore limitée, mais quelques décisions importantes ont permis de clarifier certains points :
- La Cour de cassation a confirmé en 2018 que les passagers de covoiturage bénéficient du même régime d’indemnisation que les passagers transportés à titre gratuit.
- Plusieurs jugements ont souligné l’importance de respecter les limites de la participation aux frais pour ne pas basculer dans le transport rémunéré.
- Des décisions ont validé l’application des exclusions de garantie en cas de fausse déclaration sur l’usage du véhicule (covoiturage non déclaré à l’assureur).
Ces décisions soulignent l’importance pour les covoitureurs de bien déclarer leur activité et de respecter les règles du covoiturage non lucratif pour bénéficier pleinement de leur couverture d’assurance.
Évolutions et enjeux futurs
Impact de la loi d’orientation des mobilités (LOM)
La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), adoptée en 2019, a apporté plusieurs avancées significatives pour le covoiturage :
- Une définition légale claire du covoiturage, facilitant son encadrement assurantiel
- La possibilité
Ces dispositions favorisent le développement du covoiturage et incitent les assureurs à adapter leurs offres. On peut s’attendre à voir émerger de nouvelles garanties spécifiques et une meilleure prise en compte du covoiturage dans les contrats standards.
Développement des assurances pay-per-use
Les assurances « pay-per-use » ou « pay-as-you-drive », qui adaptent la prime en fonction de l’utilisation réelle du véhicule, sont particulièrement pertinentes pour les covoitureurs. Ces formules permettent de :
- Ajuster la prime aux kilomètres effectivement parcourus
- Tenir compte des trajets effectués en covoiturage
- Récompenser les conducteurs qui partagent leur véhicule
Plusieurs assureurs expérimentent déjà ces formules, qui pourraient se généraliser dans les prochaines années. Elles offrent une tarification plus juste et incitative pour les adeptes du covoiturage.
Covoiturage et véhicules autonomes : nouveaux défis assurantiels
L’émergence des véhicules autonomes soulève de nouvelles questions pour l’assurance du covoiturage. Qui sera responsable en cas d’accident : le propriétaire du véhicule, le « conducteur » présent à bord, ou le constructeur ? Comment gérer le partage de trajet sans conducteur humain ?
Les assureurs devront innover pour couvrir ces nouveaux risques. On peut imaginer des polices d’assurance mixtes, couvrant à la fois la responsabilité du propriétaire et celle du constructeur. La notion même de covoiturage pourrait évoluer vers un partage de trajets entre passagers, sans conducteur désigné.
L’avenir de l’assurance covoiturage se dessine à la croisée de l’économie collaborative, des nouvelles mobilités et des évolutions technologiques. Une chose est sûre : les assureurs devront faire preuve de créativité et d’agilité pour répondre aux besoins émergents.